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Chats, rats et humains : Nourritures & plats de résistance des moustiques

L’étude et la compréhension des différentes espèces de nuisibles sont loin d’être terminées. Des données importantes alimentent régulièrement la recherche. En voici une qui nous éclaire sur les différentes sources de nourriture des moustiques.

Quel type de ville pour quel type de nourriture pour les moustiques

Suite à une étude menée à Baltimore :

Les villes tempérées constituent un excellent habitat pour les rongeurs et les moustiques qui y prospèrent. Elles abritent notamment des populations persistantes et croissantes de moustiques Culex et Aedes, qui peuvent représenter un risque élevé de transmission d’une infection à arbovirus émergent pour les animaux qu’elles piquent.

Dans "Parasites & Vectors", une étude révèle que les caractéristiques des zones urbaines et les schémas sociaux ont un impact sur la façon dont les moustiques piquent, et que les rats représentent une source primaire de repas de sang (leur nourriture) dans certains quartiers.

Une étude, menée par des chercheurs américains[1], éclaire la gestion ciblée en identifiant les configurations spatiales au moment du choix de l’hôte par les vecteurs dans une ville tempérée avec des conditions socioéconomiques et écologiques hétérogènes. Le travail souligne l’importance du statut socioéconomique du quartier et de la gestion de l’infrastructure pour déterminer à la fois l’abondance relative des vecteurs et leurs stratégies locales pour s’alimenter en sang. En outre, il soulève des questions sur le rôle des rongeurs dans le maintien des populations de moustiques en milieu urbain[2], et donc influençant directement à leur choix de nourriture.

Élucider le rôle écologique des hôtes dans la croissance des populations de moustiques et dans leur choix de nourriture

Elle s’est déroulée sur deux ans dans cinq quartiers résidentiels de Baltimore qui représentait chacun des catégories socioéconomiques inférieure, égale ou supérieure au revenu médian des ménages de la ville. L’abandon et l’enlèvement des déchets, la qualité du logement, l’aménagement du paysage et la lutte antiparasitaire variaient d’un pâté de maisons à l’autre.

Ces facteurs ont un impact sur les moustiques, qui ont besoin de végétation, d’eau, d’ombre et de sang pour survivre. La plupart des espèces de moustiques locales ne volent pas très loin ; cette étude suppose donc qu’ils restent sur le pâté de maisons où ils sont nés, dans la sécurité de la zone fraîche, humide et végétalisée où ils ont éclos.

De mai à novembre 2015 et 2016, 20 551 femelles moustiques adultes ont été capturées. 73,1 % des moustiques tigres (Aedes albopictus), 24,1 % des Culex et 2,4 % des Aedes j. japonicas.

Qui y a-t-il au menu des moustiques ?

L’étude indique spécifiquement la composition des repas de sang à des échelles spatiales pertinentes quant à la dispersion des moustiques en milieu urbain et l’exposition humaine. Grâce à l’ADN du sang contenu dans les moustiques engorgés, la source de leur dernier repas a pu être identifiée : plusieurs espèces de mammifères (y compris les humains) et d’oiseaux.

Le rat brun (Rattus norvegicus) était l’hôte le plus fréquemment détecté chez les Aedes (71,7 % chez Ae. albopictus) et le deuxième hôte le plus commun dans les échantillons de Culex, derrière les oiseaux. Les humains représentaient 6 % des repas de sang des Cx pipiens.

Les oiseaux ne figurent pas dans les échantillons d’Aedes. Les humains et les chats représentaient chacun 13,3 % de leurs repas de sang.

Des variations dans le choix de l’hôte pour nourriture

D’après les résultats, la proportion de repas de sang humain varie significativement selon le statut socioéconomique du quartier. Dans les zones à faible revenu, le nombre de piqûres humaines est plus élevé que dans les zones à revenu élevé puisque les moustiques y sont plus nombreux. Mais proportionnellement, les moustiques se nourrissent plus souvent de sang humain dans les tranches de revenus supérieures à la médiane.

Cela est dû en grande partie au comportement humain. Les moustiques semblent piquer, non pas ce qu’ils préfèrent, mais ce qu'ils ont de disponible. L’abondance ou non de conteneurs négligés qui représentent des habitats pour le développement des moustiques juvéniles, et la façon dont les gens passent du temps à l’extérieur façonne le phénomène à cet égard, et les modèles sociaux sont ici déterminants.

Explications du choix de la nourriture par les moustiques

Les échantillons prélevés dans les quartiers modestes, où les rats sont en plus grand nombre, indiquent une proportion plus élevée et un plus grand nombre de repas sanguins de rongeurs. La majorité des repas de sang félin a également été trouvée dans ces zones, où les chats sont utilisés pour tenter de contrôler les populations de rongeurs. Les résidents de ces mêmes quartiers passent plus de temps devant leurs maisons où les rues sont pavées et sans ombre. Dans les quartiers de la classe socioéconomique supérieure en revanche, les résidents passent plus de temps dans leur cour arrière où l’ombre, la végétation et l’humidité attirent les moustiques.

Ainsi donc, bien qu’il y ait plus de moustiques dans les quartiers à faible revenu, il y a proportionnellement moins de piqûres humaines que dans les quartiers à revenu élevé, car les gens les évitent et d’autres sources de sang – principalement des rats et, dans une moindre mesure, des chats – sont abondantes. Le moustique a donc à sa disposition une nourriture différente.

C’est dans les zones à revenu moyen que les humains risquent d’être piqués le plus. Dans ces quartiers aux infrastructures hétérogènes, les résidents passent du temps dans les jardins communautaires et les espaces verts partagés. Les moustiques, plus nombreux que dans les quartiers à revenu élevé, y trouvent pléthore d’humains « disponibles ». La nourriture du moustique est donc évidemment plus sur la base de la population humaine.

Le rat est-il un bon support de nourriture pour les moustiques ?

Et les rats dans tout ça ?

L’étude soulève d’importantes questions sur le rôle des populations de rats dans le maintien des moustiques urbains. « Ces scientifiques ont démontré un lien fort entre les systèmes sociaux et les systèmes naturels », indique Betsy von Holle, directrice du programme « Dynamique des systèmes naturels et humains associés » à la National Science Foundation[3]. « Le nombre de rats est influencé par le statut économique de leur voisinage humain, et l’abondance de rats peut influencer la transmission des maladies aux humains », ajoute-t-elle[4].

Heather Goodman, l’une des auteurs de l’étude, conclut : « Les raisons de vouloir éradiquer les rats sont nombreuses. Nous devons savoir si les moustiques piqueraient plus de gens s’il y avait moins de rats. Ou si, en l’absence de cette source de nourriture abondante, les populations de moustiques diminuaient globalement ? Pour élaborer les stratégies de lutte antiparasitaire les plus efficaces et éviter les conséquences imprévues, ces questions devraient être explorées. »

Si en effet en l’absence de rongeurs, les populations de moustiques diminuaient, alors l’élimination des rats présenterait un double intérêt, permettant non seulement d’éviter les nuisances, en particulier les risques sanitaires liés directement aux rats, mais aussi de limiter les risques sanitaires liés aux moustiques : les maladies vectorielles (dengue, Chikungunya, maladie de West Nile...). Pour l’instant absentes des métropoles, ces maladies risquent fort de se développer dans les années à venir et représentent un risque sanitaire majeur.


 

[1] Heather Goodman et Shannon L. LaDeau du Cary Institute of Ecosystem Studies, Andrea Egizi (Division de contrôle des moustiques du comté de Monmouth) et Dina M. Fonseca (Centre de biologie des vecteurs, Département d’entomologie) de l’université Rutgers, ainsi que Paul T. Leisnham, (Département des sciences et technologies de l’environnement) de l’université du Maryland

[2] En libre accès sur le site de Parasites & Vectors https://parasitesandvectors.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13071-018-2779-7#Bib1

[3] Fondation nationale des sciences

[4] https://www.sciencedaily.com/releases/2018/04/180410084258.htm

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